Lorsque l’entreprise envisage une suppression d’emploi pour motif économique, la détermination de l’ordre des départs relève d’un savant équilibre entre règles juridiques et arbitrages humains. Les employeurs doivent appliquer des critères objectifs, proposer des mesures de reclassement et respecter des procédures strictes encadrées par le Code du travail et contrôlées par les services de l’État. Les droits des salariés, qu’il s’agisse du recours à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), de la priorité de réembauche ou de l’indemnisation en cas d’irrégularité, entrent en jeu dès la phase de consultation et d’entretien préalable. Des instances comme la DREETS, le Ministère du Travail et des partenaires sociaux tels que la CFDT ou le MEDEF participent à la régulation collective du processus, avec des implications concrètes pour Pôle Emploi et l’Unedic.
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Qui part en premier lors d’un licenciement économique ?
La réponse se trouve d’abord dans l’application des critères d’ordre prévus par le droit du travail ou par l’entreprise. L’employeur ne peut pas se contenter de supprimer un poste sans évaluer, au sein de la catégorie professionnelle concernée, les salariés exposés selon des critères objectifs. Ces critères résultent le plus souvent d’un accord collectif ou, à défaut, d’une liste établie par l’employeur qui doit intégrer les éléments imposés par la loi.
Il est essentiel d’identifier précisément la catégorie professionnelle visée, puis d’appliquer les critères à tous les salariés entrant dans cette catégorie. Lorsque l’employeur omet d’appliquer ces règles, le salarié dispose de voies de recours qui peuvent conduire à une indemnisation ou à l’annulation du licenciement devant les Prud’hommes.
Les critères légaux et conventionnels déterminants
La loi impose que certains critères figurent dans la méthode de sélection, notamment les charges de famille, la qualité de parent isolé, l’ancienneté, la situation sociale rendant la réinsertion difficile et les qualités professionnelles. Ces éléments doivent être pris en compte par l’employeur qui peut, si l’accord collectif le prévoit, pondérer ces critères afin de les hiérarchiser.
Pour illustrer, une PME fictive, ArtisanTech à Lyon, a choisi de privilégier l’ancienneté et la qualification technique pour départager deux salariés affectés au même poste. Le cas de Marc, recruté il y a trois ans, et Sophie, arrivée il y a un an mais bénéficiant d’une qualification rare, montre la nécessité d’une pondération explicitée : l’application mécanique du « dernier entré, premier sorti » n’est pas suffisante pour justifier le départ de l’un ou de l’autre.
Que faire si les critères ne sont pas respectés ?
Le salarié concerné peut solliciter, dans les dix jours suivant la fin de son contrat, des précisions sur les critères retenus et leur application. L’employeur a le même délai pour répondre. À défaut de réponse satisfaisante ou en cas d’application abusive, la contestation peut aboutir devant les Prud’hommes avec, en premier lieu, une tentative de négociation amiable encouragée par les syndicats comme la CFDT, la FO (Force Ouvrière), la CFE-CGC ou la CFTC.
La jurisprudence rappelle que des dommages et intérêts peuvent être accordés au salarié s’il est démontré que les critères ont été mal appliqués. Dans des affaires récentes, des tribunaux ont rappelé que la transparence et la traçabilité des choix opérés sont des éléments-clés pour éviter un contentieux coûteux pour l’employeur.
Reclassement et obligations de formation avant tout licenciement
L’obligation de proposer un reclassement constitue une étape préalable et impérative à tout licenciement pour motif économique. L’employeur doit démontrer que tous les efforts de formation, d’adaptation et de mobilités ont été réalisés et que le reclassement sur un poste disponible, dans l’entreprise ou au sein du groupe sur le territoire national, est impossible.
Les offres de reclassement doivent être personnalisées et précisées par écrit : intitulé du poste, descriptif, rémunération, classification, localisation et nature du contrat. Si l’employeur préfère diffuser une liste interne des postes, cette liste doit indiquer les critères de départage et laisser un délai minimum pour postuler, sauf situation de redressement judiciaire où les délais sont raccourcis.
Les dispositifs dédiés : CSP et congé de reclassement
Selon la taille de l’entreprise et la situation, le salarié se voit proposer soit le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), soit le congé de reclassement. Le CSP est généralement proposé dans les structures de moins de 1 000 salariés ou lorsque l’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire, et ouvre droit à un accompagnement renforcé et à des allocations spécifiques liées à l’Unedic.
Les entreprises employant au moins 1 000 salariés doivent offrir un congé de reclassement dont les modalités diffèrent du CSP. L’employeur est tenu de remettre une note d’information durant l’entretien préalable et d’expliquer clairement les conséquences d’une acceptation ou d’un refus : acceptation du CSP entraîne rupture immédiate du contrat sans préavis, acceptation du congé de reclassement peut dispenser du préavis.
Procédure à suivre : entretien préalable, notification et obligations administratives
L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée ou remise en main propre au moins cinq jours ouvrables après présentation de la convocation. La lettre doit indiquer l’objet précis de l’entretien et informer le salarié de la possibilité de se faire assister, en entreprise par un collègue ou, en l’absence d’instances, par un conseiller du salarié dont les coordonnées figurent en mairie.
Après l’entretien, l’employeur doit respecter un délai légal avant de notifier le licenciement : sept jours ouvrables pour un non-cadre, quinze pour un cadre, sauf procédure accélérée en cas de redressement judiciaire. La notification se fait par lettre recommandée et doit expliquer le motif économique de façon détaillée, rappeler la priorité de réembauche et proposer d’éventuelles mesures de reclassement ou de CSP.
Formalités de l’employeur et rôle de la DREETS
Dans les huit jours suivant la notification du licenciement, l’employeur doit informer la DREETS via le portail RupCO en fournissant des informations nominatives sur le salarié et l’entreprise. Cette communication sert au contrôle administratif et permet d’alimenter les statistiques du Ministère du Travail et de l’INSEE sur les mouvements d’emploi en France.
Le non-respect des formalités, comme l’absence d’indication sur la possibilité d’être assisté lors de l’entretien, expose l’employeur à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire en cas d’irrégularité de procédure. Les conséquences administratives et financières soulignent l’importance d’une démarche rigoureuse et documentée.
Conséquences pratiques pour le salarié et recours disponibles
Le salarié licencié bénéficie d’une série de droits pratiques : inscription à Pôle Emploi, indemnisation par l’Unedic selon les règles de l’assurance chômage, possibilité de bénéficier d’un accompagnement pour retrouver un emploi. La priorité de réembauche pendant 12 mois permet au salarié de retrouver son ancien poste si une opportunité se présente, et le non-respect de cette priorité peut être sanctionné.
Dans l’exemple d’ArtisanTech, Sophie a accepté le CSP et a été orientée vers Pôle Emploi pour ses démarches d’inscription et le suivi des allocations. La coordination entre Pôle Emploi, les opérateurs de formation et les syndicats facilite la transition, mais requiert une bonne information des salariés à chaque étape.
Sanctions encourues et voies de recours judiciaires
Les manquements de procédure entraînent des sanctions pécuniaires limitées en cas d’irrégularité formelle, mais l’absence de cause réelle et sérieuse peut conduire à des réparations majeures selon le barème applicable. Les salariés peuvent saisir le conseil de prud’hommes, qui statuera sur la validité du licenciement, l’application des critères d’ordre et le respect des obligations de reclassement.
Les syndicats tels que la CFDT, la FO, la CFTC et la CFE-CGC peuvent accompagner les salariés dans leurs démarches, tandis que les organisations patronales comme le MEDEF jouent souvent un rôle de conseil pour les entreprises. En dernier ressort, l’intervention des Prud’hommes demeure le moyen judiciaire pour trancher les litiges liés aux licenciements économiques.
En synthèse, l’ordre des départs en cas de licenciement économique résulte d’une combinaison de critères légaux et conventionnels que l’employeur doit appliquer de manière transparente et documentée. Le processus inclut des obligations fortes en matière de reclassement, d’information et de procédures (entretien préalable, délais de notification, formalités auprès de la DREETS) et offre au salarié des solutions d’accompagnement (CSP, congé de reclassement) et des recours (Prud’hommes, syndicats). La vigilance de chaque partie, la bonne tenue des échanges et le respect des règles minimisent le risque de contentieux et facilitent la transition professionnelle, tant pour le salarié que pour l’entreprise.
